27 avril 2024

RDC : Urgence d’une loi sur les violences conjugales

Par Prisca Lokale

Les cas des femmes battues par leurs partenaires amoureux et décédées par la suite se multiplient en RDC. Les derniers en date concernent la journaliste Charline Safi Kitoko à Kamituga et l’activiste des droits humains Anne Marie Buhoro à Minova (deux territoires du Sud-Kivu). Mais aussi celui de Jacqueline Mwankani, dans la province du Kasaï. Elles ont toutes trouvé la mort au mois de Janvier. Malheureusement, aucune loi congolaise n’aborde spécifiquement cette forme des violences. Je vous explique.

« Il n’existe pas expressément, en RDC, une loi sur la violence conjugale », m’a dit Fidèle Kanyinda, avocate au barreau de Kinshasa/Matete.

Et de renchérir, « la RDC se complait dans les traités et pactes internationaux qui répriment toutes les violences à l’égard des femmes. Au niveau national, la constitution garantit la vie humaine. Il existe aussi le code de la famille, qui en quelque sorte, régule la vie au foyer. On peut également citer la loi de 2015 sur la parité et la loi sur les violences sexuelles ».

Mais d’où vient ce type de violences ?

Il m’arrive plusieurs fois, dans mon métier de journaliste, d’être en contact avec des femmes et parler des questions qui les touchent profondément. J’interroge aussi souvent des hommes, pour avoir leurs points de vue sur ces questions. Cette fois, j’ai fait la même chose au sujet des causes de la violence dans le couple.

Le sexe. Jean-Claude Mputu est gérant dans une quincaillerie en ville. Il a aussi donné son point de vue. « On se marie pour être d’abord dépendant d’une personne sur le plan sexuel. Une femme régulièrement insatisfaite rejette les sollicitations sexuelles de son époux. Par conséquent, elle sera battue par l’homme frustré. Même s’ils ne les disent pas clairement à tout le monde, parce que c’est une honte autant pour l’homme que pour la femme, beaucoup de couples traversent cette réalité » a-t-il fait savoir.

Parité dans le foyer. « Lorsque nous étions plus jeunes, nos mères ont appris à nos sœurs à être obéissantes et soumises. L’homme est le Chef de famille, il faut se soumettre à lui. Mais les générations nouvelles des femmes se croient égales aux hommes sur tous les plans, même dans le foyer. Cela n’est pas du tout normal. Si un homme veut privilégier son égo masculin, il va sérieusement battre cette femme insoumise », dit Clément Mukendi, agent à la fonction publique.

Jalousie et raisons économiques. Josée Zawadi, sexagénaire, est mariée depuis 23 ans maintenant. Elle reconnaît avoir reçu des coups au moins 5 fois. « La plupart de fois, la dispute naissait autour de l’argent. J’ai arrêté de travailler parce que mon époux ne voulait pas. À la maison, j’avais des besoins qu’il ne pût pas satisfaire par manque des moyens. Mes désirs se transformaient en cauchemar. Il me battait jusqu’à l’intervention des voisins. Nous avons 5 enfants aujourd’hui. Grâce à nos parrains de mariage et aux conseils des voisins, j’ai repris le travail », a-t-elle affirmé.

Si la mère de Cynthia Ngandu (nom d’emprunt) n’avait pas vécu la souffrance de sa fille, elle ne l’aurait pas séparé d’un homme violent. « Nous étions déjà dans le processus du mariage quand j’ai contracté une grossesse. J’avais déjà subi deux avortements, je ne voulais pas en refaire. Mon malheur a commencé par là. Il me battait pour la quantité de sel dans la nourriture, pour le manque d’eau chaude dans le thermos, pour le loyer, quand il revenait de son travail, enivré d’alcool, … j’étais battue presque tous les jours », se rappelle la jeune femme, 28 ans et mère de deux enfants actuellement.

Un matin bonheur ou malheur, je ne sais pas trop. La mère de Cynthia lui rend visite, dans un quartier de Kasavubu dans la ville de Kinshasa. C’est là qu’elle va vivre toute la scène et décide de ramener sa fille à domicile.

Des solutions déjà disponibles

Parmi les conséquences de ces violences, l’organisation mondiale de la santé (OMS) note des problèmes de santé physique, mentale, sexuelle, reproductive chez les femmes victimes qui peuvent également accroître leur vulnérabilité au VIH.

En RDC, les centres intégrés des services multisectoriels, les ONGs des droits des femmes offrent des soins aux victimes de ces violences. Un numéro 122 a aussi été mis en place pour assister les victimes. Mais « peu » sont les femmes qui dénoncent cette forme de violences, par conséquent, elles sont aussi peu à être prises en charge.

Pascaline Zamunda dirige l’ONG CREEIJ Asbl, spécialisée dans la défense des droits des femmes et des filles. « Des cas sont légion tellement il y a une banalisation. On trouve normal qu’un mari, un copain, un frère ou je ne sais qui s’arroge le droit de lever la main sur la femme. Après, on s’étonne qu’il y ait des cas d’homicides », regrette-t-elle.

Marie Lukusa Kadima du Forum des Femmes Citoyennes et Engagées pour la Gouvernance, la Démocratie et le Développement (FOFECEGDD) fait savoir qu’entre Mars et Novembre 2020, son ONG a enregistré plus de 500 cas. «775 appels ont été enregistrés dans le call center mis sur place par ce Forum. Des 513 victimes enregistré, 32.7% concernent les violences physiques, 4% pour les violences sexuelles, 3% pour les violences économiques, 57% pour les violences psychologiques, 1% pour le meurtre, 2% sur la privation de liberté, 1% pour la cyber violence, au cours de la période de l’état d’urgence, décrété par le Chef de l’Etat » dit-elle.

De tous ces cas, seuls 30 ont été pris en charge.

Il y a urgence

J’étais encore dans la rédaction de cet article, et j’ai appris qu’une nouvelle victime a été enregistrée dans la province du Nord-Ubangi. Il s’agit d’une jeune femme, tuée et mutilée par son ex copain.

Lire : Nord-Ubangi : La mort d’une adolescente de 16 ans, tuée et mutilée par son copain, suscite de l’effroi à Businga

Les droits des femmes sont les droits humains. La vie humaine est aussi sacrée, selon les prescrits de la constitution. Cela étonne qu’en pleine campagne Tolérance zéro contre les VBG, ces cas soient enregistrés en RDC. Il y a urgence. Il faut une loi spécifique sur les violences domestiques.

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