
Une-petite-fille-en-pleurs-photo-droits-tiers
Par Prisca Lokale
Vous avez sûrement observé cette vague des viols sur mineurs qui a soufflé sur la RDC depuis le début de cette année. En ce 5ème jour d’activisme contre les violences à l’égard des femmes, étudions ensemble l’un des moyens qui contraignent injustement les victimes au silence ; ‘’les arrangements à l’amiable’’. Entre témoignages, les droits de l’homme et les avis des experts, Blogducitoyen.net vous propose cette forme de corruption à bannir dans les dossiers viols sur mineures.
Les arrangements à l’amiable désignent le fait de négocier un compromis entre les parties à un litige, dans le but d’éviter un procès. Ils peuvent être utilisés pour régler tout litige civil, d’ordre familial, patrimonial ou professionnel. Normalement, une convention écrite doit être signée une fois l’accord trouvé.
Au sujet du viol, cela désigne le fait que le bourreau ou l’auteur de viols use de ses moyens en argent ou en matériel, en échange contre le silence ou l’abandon d’une poursuite judiciaire de la part de la victime ou de sa famille. Béatrice Lomeya, actuel ministre d’Etat en charge du genre a dénoncé ces pratiques au lancement des 16 jours d’activisme contre VBG. Plutôt en 2014, Marie-Jeanne Kanama avait également dénoncé au Lualaba, dans l’ancienne province du Katanga.
La réalité sur terrain
Pour palper du doigt cette réalité, Blogducitoyen.net a rencontré Emmanuella Zandi, coordonnatrice de ‘’Ma voisine’’, une ONG spécialisée dans les sensibilisations et accompagnement des survivantes des violences sexuelles. A travers elle, nous avons découvert l’histoire de Plamedi (nom d’emprunt), une jeune fille de 12 ans victime de viol et dont les parents ont reçu une somme d’argent pour effacer l’affaire.
« Plamedi est une élève de 7ème année éducation de base (1er secondaire). C’est le cas le plus récent que nous avons enregistré grâce à l’opération porte à porte. Les faits se sont déroulés dans un quartier de Masina. Cette jeune fille a été victime de viols de la part d’un voisin proche de sa famille. Pour éviter d’être poursuivi en justice, l’auteur du viol a versé une somme de 3.000 dollars pour dédommager la jeune fille » rapporte Emmanuella Zandi. Et d’ajouter « Au moment actuel, la jeune reçoit des menaces de la part de sa famille pour avoir divulgué la chose. Elle vit sous le traumatisme parce que ses parents ne veulent pas du tout qu’une procédure judiciaire ne soit entamée. À l’école comme à la maison, cette jeune fille n’est plus à son aise. Elle est menacée d’être renvoyé du toit parental ».
En dehors de l’ONG, Blogducitoyen.net a également fait une descente à l’hôpital général de référence de N’djili. Ici, l’Unfpa en collaboration avec le ministère du genre a installé un service d’assistance médicale, psychologique et parfois juridique des survivant (e)s de violences sexuelles. Anaclet N’singi est le point Focal pour cet hôpital. De Janvier à Novembre, des résultats de viols sur mineures sont très alarmants.

“Depuis que l’année 2019 a commencé, nous avons déjà enregistré 367 survivant (e)s de violences sexuelles. Parmi eux, seulement 44 sont adultes. Les 323 autres sont des mineures dont l’âge varie entre 6 et plus moins 12 ans. Ces enfants viennent en compagnie de leurs membres de famille pour des soins gratuits. Par mois, le nombre des SVS varie entre 30 et 35, en raison d’un cas où deux par jour. Nous avons la charge d’offrir des soins à toutes victimes des violences sexuelles de la partie Est de Kinshasa. Notamment, les communes de N’djili, Kimbanseke, Masina, Maluku, Kinkole.. » a dit le Docteur Anaclet N’singi. Avant de préciser » il y a beaucoup d’autres cas qui échappe au service parce que certaines familles ne veulent pas exposer leurs enfants ou passent par un gynécologue, un pédiatre pour des soins. »

Outre l’hôpital général de référence de N’djili et l’ONG « Ma voisine », nous nous sommes également rendus à la maison communale d N’djili, question de nous enquérir du nombre des plaintes enregistrées par jour et du recours aux arrangements à l’amiable. Ici, « les plaintes viennent au moins 4 fois au cours d’une semaine » nous fait savoir un agent de cette instance. Et d’ajouter « Il y a des cas pour lesquels il est possible de recommander les arrangements à l’amiable. Tel pour un enfant qui a violé sa mère ou pour des questions de familles. Les affaires de viol sur mineures aussi méritent d’être réglées sur base des relations fraternelles. Mais lorsqu’il s’agit d’un fait qui implique une haute personnalité ou une personne connue, il est parfois conseillé de se rendre à une instance judiciaire éloignée du domicile de la victime pour ne pas la mettre en danger. Si les agents de renseignements et les autres autorités s’impliquent, il va être difficile pour l’officier de police judiciaire de recommander l’entente à l’amiable » a-t-il ajouté.
Cap vers le Tribunal pour enfants de N’djili. Ici, sur une table d’environ un mètre sur deux, des dossiers forment des petites montagnes. Natacha, réceptionniste renseigne que « la plupart de dossiers qui parviennent à leurs connaissances sont celles des violences sexuelles entre Mineures. A l’exemple du dossier d’un jeune garçon de 14 ans qui a commis les faits sur une fillette de 06 ans. La première audience devrait avoir lieu le Lundi, 2 décembre 2019”.
Lire aussi : RDC : début-du-procès-pour-viol-collectif-d’une-élève-de-14-ans-matadi
Ce qui occasionne le phénomène viol sur mineurs
Blogducitoyen.net a également contacté le professeur sociologue Gauthier Musenge pour expliquer ce phénomène qui continue à faire des victimes sur toute l’étendue de la République. Pour lui, en dehors des nouvelles technologies, la pauvreté est également au centre de cette question. « Aujourd’hui, plusieurs facteurs occasionnent la consommation du sexe. L’internet, la télévision, les revues, les magazines, les téléphones, les réseaux sociaux.
Tous les messages sont centrés sur le sexe. Il y a aussi exacerbation des biens, les nouvelles marques des téléphones, la mode, les ordinateurs, les sacs, certains adultes se servent de cette modernité pour attirer facilement les jeunes filles. Certaines personnes se servent aussi des fétiches mais, étant donné que les preuves ne sont pas palpables, il est très difficile de bien expliquer ce choix. Il faudrait aussi noter qu’en RDC, la pauvreté, le chômage, n’offrent pas là possibilité aux hommes de trouver des femmes adultes pour satisfaire leurs désirs sexuels. Ils se sentent limités. C’est ainsi qu’ils font recours aux petites filles qui vivent dans leur entourage” a expliqué le professeur Gauthier Musenge, Sociologue.
En acceptant des arrangements à l’amiable, des familles enfreignent aux droits de l’homme
En RDC, le viol sur mineur est puni entre “sept et vingt ans de servitude pénale principale et d’une amende de 800.000 (huit cent mille) à 1.000.000 (un million de francs congolais). Cette peine peut même être doublée si le viol est fait par des agents publics, des ministres de culte qui ont abusé de leur position pour le commettre, du personnel médical, paramédical ou des assistants sociaux, des tradi-praticiens envers les enfants confiés à leurs soins.” stipule la Loi n° 06/018 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais en ses articles 167-171 bis.
One Comment
[…] choisie. Quant à ce, la lauréate a réalisé un billet d’investigation de qualité sur « RDC: les arrangements à l’amiable, une forme de corruption à bannir ». Un billet qui explique les différentes réalités des enfants qui sont violés à […]