poudre-de-chasse (Photo tiers)
Par Tabitha BOMPETE (Stagiaire de l’Ifasic) et Yves KALIKAT
Il a fait la pluie et le beau temps sur le ring. Champion de catch de Kinshasa dans sa tendre jeunesse, Jean-Pierre Buetuna est aujourd’hui aux commandes de la troupe Sans Soucis. Désormais célèbre sous le sobriquet »Poudre de chasse », il est fier d’avoir réussi sa mutation de catcheur en comédien grâce au regretté Matthieu Matondo Sans Soucis dont il commémore depuis ce week-end le troisième anniversaire du décès.
Jadis imposant sur le ring, Poudre de chasse l’est encore aujourd’hui sur scène. Son fort gabarit est d’ailleurs bien éloquent. Élancé, mesurant environ 1, 80 m, Jean-Pierre Buetuna est corpulent, voire ventripotent. Pas étonnant qu’il impressionne ses acteurs du Groupe Sans Soucis d’Afrique (GSSA).
Faiblement sombre, il se veut naturel, fier de sa personne. Originaire du Bas-Congo, Jean-Pierre Buetuna est généralement extraverti, contrairement aux ressortissants de sa province. Cette qualité lui a probablement été un atout pour intégrer facilement la troupe théâtrale de Sans Soucis en 1997. Une intégration qui, aujourd’hui, semble lui avoir bien souri, quoi qu’étant amateur.
Comédien par surprise.
En fait, Poudre de Chasse ne s’attendait du tout pas à embrasser l’univers du théâtre. Détenteur d’un diplôme de graduat en électromécanique à l’Institut Supérieur des Techniques Appliquées (ISTA), au terme de ses humanités en math-physique, il a plus brillé dans les sports de combat. Particulièrement dans la lutte et le catch dont il animait un club installé sur place à l’ISTA. Propulsé champion de Kinshasa de lutte et de catch, le jeune élève de Lubuela Zephy (devenu plus tard champion d’Europe de catch) va vite attirer l’attention du comédien Sans Soucis.
En 1997, le comédien kinois le recrute dans sa troupe pour incarner, dans la pièce « Souci plus plus », le rôle d’un oncle catcheur qui devait défendre sa nièce menacée par sa belle-famille. Le succès est épatant. Le public en raffole.
Alléché, Sans soucis lui confie un autre rôle. Poudre de chasse doit, cette fois, jouer le rôle d’un père de famille. L’exercice lui semble frustrant, d’autant plus qu’il est contraint de changer de statut. « Au début, raconte-t-il à Forum des As, ce n’était pas facile de pratiquer le théâtre. Je riais beaucoup. Aujourd’hui, j’ai acquis la maîtrise ».
Le successeur de Sans Soucis
L’appétit venant en mangeant, Poudre de chasse a pris goût à la scène. Formé, moulé et trempé dans le théâtre populaire, il n’arrivait plus à pratiquer le catch avec la fréquence d’antan. Quelques années plus tard, avant la mort de Sans Soucis, il sera nommé coordonnateur du groupe, pour succéder à son mentor.
A la mort du président Sans Soucis le 23 juin 2009, Poudre de Chasse prend la relève et s’attèle à achever la pièce « Keba na surprise » que le défunt n’a pas pu mener à bout. Aujourd’hui, après trois ans passés aux commandes de GSSA, il est fier d’avoir réalisé avec succès neuf pièces de théâtre, à savoir : « Pona nini boye ? », « Cœur de l’homme », « Pourquoi docteur? », « Leçon « , « Bijoux na ngai », » Elle ou moi ? », « Nos consciences », « Pasteur « , et « Soki nayebaki » qui, aujourd’hui, est à son 4ème épisode.
De l’avis de plusieurs téléspectateurs, il est aujourd’hui difficile de zapper sur une autre chaîne lorsqu’on diffuse les pièces du GSSA, à l’affiche sur Antenne A tout le mercredi, jeudi et dimanche.
En ce week-end où les artistes congolais commémorent le troisième anniversaire du décès de Matthieu Mateya Matondo, l’initiateur du groupe sans Soucis, Poudre de Chasse se montre très ému. Dans son témoignage sur son ancien maître qui se faisait appeler « Marechal », Jean-Pierre Buetuna ne tarit pas d’éloges à l’égard de ce comédien qu’il considère comme «un cerveau électronique» : « J’étais marqué par son improvisation et sa créativité. En tout cas, je continue à regretter sa disparition ».
Bon gestionnaire, patron brutal
Malgré ce regret, cette nostalgie, le successeur du « Marechal » Sans Soucis, est fier aujourd’hui de mener à bon port la troupe qui compte 65 acteurs, dont trois assument comme lui des postes de direction : Flore Bangu (superviseur), Aziza Senga et Serge Luyeye (respectivement directrice artistique et directeur artistique adjoint), ainsi que Mbo Shilo Kinzonzi (réalisateur).
Ses acteurs le trouvent compréhensif, tolérant et reconnaissent en lui le talent de bon gestionnaire. Ils réprouvent toutefois son caractère brutal hérité des arts martiaux. « Poudre de chasse s’énerve vite, mais il est un bon gestionnaire ; en outre, il tient plus compte des talents des artistes plutôt que de l’ancienneté dans le groupe », nous fait remarquer un de ses comédiens. « Notre président est de fois brutal, mais il donne beaucoup de chances à ses nouvelles recrues qui ont l’occasion de s’exprimer aisément », confirme Soleil, une autre actrice.
Ambitieux, Poudre de chasse ne veut pas se limiter à mi-chemin. Ce père de quatre enfants nourrit désormais l’ambition de réaliser un film pour rendre hommage au prophète Simon Kimbangu, très adulé au Bas-Congo, sa province d’origine. Le poulain de Sans Soucis s’attend, au moment opportun, à associer d’autres comédiens pour réaliser cette œuvre cinématographique.